Dimensions variables

English

Artistes and architecture, Dimensions variables

by Jean-Max Colard

Many of Matthieu Martin’s works originate in an inspection of the premises. As an unlikely inspector of works, the artist observes and records, through drawings or photographs, the facts of the situation. […] In the case of the 60 or so drawings that comprise the series Principes de Précaution [Principles of Precaution] (2012–14), this means the security apparatuses placed around the works of art in museums.

An entire museography of discipline, coercion and security is recorded: floor signage, protective barriers, freestanding barriers, barrier pol cs linked by a rigid brass bar or faux velvet rope, or by a strap or a thin elastic cord. In short, these are the kinds of apparatuses which the artist highlights in black marker pen, apparatuses according to the meaning given to the term by philosopher Giorgio Agamben, from the mobile phone to the computer, from the television to the car: “I shall cali an apparatus literally anything that has in some way the capacity to capture, orient, determine, intercept, model, control, or secure the gestures, behaviors, opinions, or discourses of living beings“ ‘. And in his own way Matthieu Martin responds actively to Agamben’s question: “What strategy must we follow in our everyday hand-to-hand struggle with apparatuses”?” (Ibid., p. 15).

Fundamentally, Martin’s strategy is to allow these apparatuses to escape from themselves, to ‘abstract themselves’. By drawing them in black marker pen on yellowish paper, by varying the framing and distance, ultimately by releasing them from the works of art that they surround. These security apparatuses become in turn “species of spaces” (Georges Perec), a field of opportunity. Perhaps, here he is even creating something else, more of a cosa mentale: virtual spaces and interiors like the dream of an exhibition or a museum without works of art.

Francais

Artistes et architecture, Dimensions variables

par Jean-Max Colard

À l’origine de plusieurs travaux de Matthieu Martin, il y a un constat des lieux. Improbable inspecteur des travaux finis, l’artiste observe et consigne, par le dessin ou la photographie, des états de fait : ce sont, sur les murs de la ville, les aplats monochromes de peinture appliqués par les agents municipaux pour recouvrir les tags et autres graffitis (Cover up) ; pour la soixantaine de dessins qui constitue la série Principes de Précaution (2012–2014), ce sont, dans les musées, les dispositifs de sécurité mis autour des œuvres.

Toute une muséographie disciplinaire, coercitive, sécuritaire, se trouve ici consignée : marquages au sol, barrières de mise à distance, poteaux de guidage du public, “potelets d’entrave” reliés par une barre rigide en laiton, ou par un cordon en simili velours, ou par une sangle ou encore une fine corde élastique… En somme, ce sont des dispositifs que l’artiste relève au feutre noir, au sens que le philosophe Giorgio Agamben donne à ce terme : du téléphone portable à l’ordinateur, de la télévision à l’automobile, “J’appelle dispositif tout ce qui a, d’une manière ou d’une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants” (Qu’est-ce qu’un dispositif, Paris, Rivages poche, 2007). Et à sa manière Matthieu Martin répond activement à la question posée par le philosophe Agamben : “Quelle stratégie adopter dans le corps à corps quotidien qui nous lie aux dispositifs ?”

La stratégie, ici, c’est au fond de permettre à ces dispositifs de s’échapper d’eux-mêmes, de “s’abstraire”. En les dessinant au feutre noir sur papier jauni, en faisant varier le cadrage et la distance, en les délivrant enfin des œuvres qu’ils entourent, ces dispositifs sécuritaires deviennent à leur tour des “espèces d’espace” (Georges Perec), un champ du possible. Il se dessine même peut-être là autre chose, de plus « cosa mentale » : des espaces virtuels, intérieurs, comme le rêve d’une exposition ou d’un musée sans œuvre.